La liberté guidant le peuple
Publié le 14 Mai 2020
Ce tableau, l'un des chefs-d’œuvre du Louvre, a été peint par Eugène Delacroix en 1831 pour commémorer les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830 appelées les « trois glorieuses », la révolution qui chassa le roi Charles X. Si Delacroix n'a pas pris part à l'événement, il y puisa son inspiration. « J'ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n'ai pas vaincu pour la patrie au moins peindrais-je pour elle » écrivit-il à son frère. Il réalisa une œuvre engagée et novatrice enracinée dans les préoccupations des jeunes artistes de l’époque : être le plus proche possible des événement.
Le tableau est une « composition pyramidale » selon l'expression des historiens de l'art. A la base deux cadavres, un soldat et un insurgé figurent les victimes de cette révolution. Ils sont au pied d'une barricade que les émeutiers franchissent pour l'assaut final.
A gauche, un ouvrier avec son bonnet armé d’un sabre et un bourgeois avec son chapeau armé d’un fusil symbolisent les classes sociales unies pour chasser Charles X. A droite, un gamin de Paris porte un béret et brandit des pistolets, c’est la jeunesse qui rejoint la révolution. Il préfigure le Gavroche des « Misérables » le roman que Victor Hugo écrira trente ans plus tard, en 1862. Dans le lointain les tours de Notre Dame font référence à la liberté et au Romantisme et situent l'action à Paris. Au centre, l’allégorie de la Liberté est incarné par une fille du peuple coiffée d'un bonnet phrygien, les mèches sur la nuque et portant un drapeau tricolore, évocation de la Révolution de 1789. Pour marquer l'actualité de son tableau Delacroix la représente armée d'un fusil à baïonnette d'infanterie modèle 1816.
Quand je commente ce tableau à mes clients je ne manque pas de leur poser cette question : « A votre avis, pourquoi ce personnage féminin a t’il choqué les critiques et une partie du public en 1831 ? ». La plupart du temps, on me répond « C’est parce qu’elle a les sein nus ». L’effet est garanti quand on leur révèle que, ce qui a choqué, c’étaient les poils sous le bras qui brandit le drapeau. Pour le public de l'époque une allégorie devait être peinte comme une déesse antique, lisse et sans défaut. Bien que le tableau ait été acheté par le gouvernement de Louis-Philippe il fut mis en réserve car jugé trop révolutionnaire. Ce n'est qu'à partir de 1874 qu'il fut exposé définitivement au musée du Louvre.